Un miracle de Noël, la Nigelle peut être

 Une histoire de miracle et de  Nigelle jusqu'à présent inexpliqué, oyez ! Le cas Dreyfus-Lefoyer.

Contexte. Je disais que Lydie ma mère parfois me regardait fixement d'un air étrange, inquiétant, comme on regarde un objet acheté à l'étourdie dont on sous pèse la valeur (peut être en regrettant cette ''folie'') ... un jour je l'interrogeai du regard et sans me répondre, comme pour elle même, elle s'exclama en se retournant pour couper court  ''est-ce que ça en valait la peine ?'' 

Question : à quoi pensait-elle ? A la mort de Gustau ? A sa vie de sportive voyageuse perdue? À sa maladie à ma naissance ? La perte de sa beauté ? Je ne savais pas, je n'ai jamais su. Parfois c'était de la haine. Voici.

Peu après ma naissance, elle était devenue un squelette et le grand "spécialiste" de la tuberculose, Balmes, à Montpellier, suivi de tout son staff de médicastres, l'avait dite ''perdue'' (erreur, c'est toi qui l'étais, mon gros, elle a vécu bien plus que toi, salaud) .. et même Dreyfus, héros incontesté de la Résistance et chirurgien émérite hésitait à l'opérer, pensant qu'elle ne survivrait pas : il lui fallait impérativement se requinquer un minimum avant avec la streptomycine (que mon père allait en vélo chercher à Nîmes, 140 km aller retour, deux fois par semaine, en plus de son travail de mineur) ...

Mais une fois au Ranquet chez sa mère qui s'occupait d'elle (et Tante, de moi qui avais 6 mois), la maison, heureusement vaste était un vrai hôpital, Lydie reléguée au fond avec un sas à ne franchir qu'avec blouse spéciale puis au retour lavage, javel.. (peut être est-ce pour ça que je n'en supporte pas l'odeur ?) et moi à l'autre bout, avec Tante, (ma mère fut longtemps cette belle dame énigmatique que je voyais d'en bas, encadrée dans la fenêtre du premier, que Marguerite me disait de saluer vigoureusement de la main !)

 .. une fois au Ranquet donc, rassurée pour moi et chouchoutée à donf, l'appétit, ô stupeur ! lui revint et elle commença, AVANT MÊME L'OPÉRATION ET LE SANATORIUM, à se lever, prendre du poids : pb, chaque fois qu'elle accusait 1 kg de plus voire juste 500 g, tout le monde hurlait de joie et c'est ainsi que pour faire plaisir et surtout pour que Dreyfus acceptât de l'opérer, à terme, elle en 'prit' peut être 20 ou plus (et il lui fut rigoureusement interdit d'en perdre un iota au risque de rechuter, par chance, son fin visage demeura intact, ms pas son corps. C'était l'époque.) 

Et c'est là LA question : je me demande si ce ne furent pas les NIGELLES aussi ou SURTOUT ? qui la rétablirent de cette manière quasi miraculeuse, il y en avait un champ entier au Ranquet et Marguerite était calée en plantes... non, c'était surtout sa mère qui vivait encore d'ailleurs... non, plutôt sa gd mère cad mon arrière arrière gd mère, (ma trisaïeule) qui était connaisseuse : Marguerite racontait qu'elle l'aurait guérie DE LA VARIOLE avec du lierre, dans lequel elle la plongeait après avoir haché les feuilles, pour faire une litière renouvelée tout le temps, si bien qu'elle n'avait aucune cicatrice sauf .. sur le nez !  je n'y avais pas trop cru, une légende paysanne sans doute, ma mère m'ayant plus ou moins inculqué sa mésestime de ces origines * .. jusqu'à ce que Jean, bombant le torse du 'médecin' qu'il n'était pas encore, m'assurât que c'était tout à fait plausible. Il se peut aussi simplement que Caroline ait transmis son savoir à Marie, et celle-ci à Marguerite ma grand mère (et à Josée, ma gd tante, sa 'jeune' soeur -elle avait 12 ans de moins- devenue FLEURISTE d'où le champ de nigelles : la fleur, magnifique, et le port élégant de la tige avec son léger brouillard de feuilles vert tendre en cheveux tout autour permettent avec deux branches seulement de réaliser de superbes bouquets). Mais pourquoi cette idée ? 

Tout simplement parce qu'à 30 ans, enceinte de mon fils, je me mis à tousser terriblement, un grand danger pour le bébé.. 30 ans, l'âge de ma mère quand elle fut atteinte. Aussitôt visite à Mounier, qui avait repris le cabinet de Meynard, celui qui avait soigné Lydie. Miracle, TOUT LE DOSSIER Y ÉTAIT, un soigneux, Meynard, il faut dire que Lydie, un cas extrême particulièrement intéressant, était devenue un objet de référence en médecine phtisio (à la gloire de Dreyfus et aussi, moindrement, à la sienne). Le voilà donc qui, consciencieux, observe les radios, l'une, une autre, encore une autre, vérifie les dates, stupéfait... puis il me les montre, gentil (mais je ne comprends rien). De mémoire, voici notre discussion jamais oubliée (au départ il était question de la vie de mon bébé.)

M ----- mais vous voyez ça ? Regardez les dates. 

H ----- Euh ... oui mais ... ?

M ----- ms vous voyez bien que la caverne a régressé en un mois ?

H ----- euh oui en effet ...

M ----- et ça ? 

H ----- oui, on dirait que la tache diminue..

M ---- ça diminue comme vous dites ! tellement que s'il avait laissé faire la nature ou la strepto, c'était fini dans trois ou mettons cinq mois maximum... MAIS POURQUOI A-IL OPÉRÉ ÇA BON DIEU ! Avec le risque d'éclater ! Vous voyez bien où elle est située la lésion  ? Et les 15 mois d'insufflation ou plus encore à devoir vivre avec un seul poumon !''

(Je me souvins alors que Lydie en effet avait mentionné toute l'admiration que ses pairs vouaient à Dreyfus qui avait osé opérer 'ça' : la plaie étant sise très près de la plèvre, les bords de surcroit ''collés'' à cause des ventouses dont on se servait bcp à l'époque en cas de rhume, il fallait donc délicatement décoller les deux parois avec une ''pelle à tarte'' avec le risque de déchirer le poumon dessous avant d'oser insuffler - afin d'applatir la béance de la plaie bord à bord, -boucher le trou en qque sorte-, ça prend qques années et il est nécessaire de ré insuffler régulièrement pour maintenir la pression). 

H ----- ce n'était pas nécessaire ? 

M ---- non, et même dangereux ...

H ---- mais alors pourquoi ?

Il n'y eût pas plus de dit, juste une expression un peu agacée par ma candeur...   il était clair qu'il accusait implicitement Dreyfus d'avoir pour la gloire, la sienne ! fait courir un risque inutile à une malade déjà quasi guérie, (miraculeusement certes). Question : s'agit-il ici de la jalousie d'un jeune médecin moins prestigieux envers un brillant confrère starifié à plusieurs titres (et sans doute justement, car il en fallait du courage pour que, juif et se sachant pourchassé, il continuât en 40 à opérer, changeant tout le temps d'endroit, parfois ds des conditions extrêmes, ne prévenant presque personne avant etc ... au lieu de faire comme tant, fuir en Amérique et devenir riche et tout aussi célèbre mais les pieds sur le bureau.)

Question : comment a-t-elle ainsi guéri ? La strepto ? Sans doute mais encore ? ('Ça ne va tout de même  pas aussi vite' avait dit Mounier).. Je ne le saurai jamais mais c'est bien longtemps après, en étudiant les plantes, que je 'tombai' sur la nigelle, plante magique, panacée qui, selon Mohamed, ''guérit de tout sauf de la mort'', de surcroît considérée comme particulièrement efficace dans la sphère pulmonaire. Et si ? Et si ? 

Car, ce qui complique tout, Lydie, formatée par l'Ecole dite Normale, était très pro médoc, pro vaccins, pro science, 'moderne' kondisait avec fierté, et anti plantes, anti tisanes (de la sorcellerie indigne de gens cultivés enfin sortis de leur condition d'ignorance crasse* par l'ÉCOLE, athées nickels communisants et bien disants etc)  ....  Marguerite, sa mère adorée pourtant, avait même mission de ne jamais insister là dessus ni me parler patois, a fortiori me l'apprendre. La honte. Il n'empêche que, devant l'urgence, elle a pu la soigner ainsi SANS LE LUI DIRE. Ni même le lui avouer après car cette femme d'affaires pragmatique qu'était ma grand mère (bien que non instruite) préférait la diplomatie, détestant les conflits ; et les médecins avaient prévenu : ''IL FALLAIT À TOUT PRIX ÉVITER À LYDIE TOUTE CONTRARIÉTÉ'' (ce qui me compliqua considérablement la vie ensuite,) 

Reste le mystère de ce ''miracle''. Il paraît que cela arrive parfois, Meynard parlait d'une autre de ses malades, dite aussi ''perdue'' (tuberculose intestinale ici) qui se remit dès son arrivée dans son Jura natal chez ses parents où elle était venue mourir. Les cahots de la voiture lui avaient déclenché une épouvantable diarrhée qui avait dû râcler ses intestins abîmés : arrivée à Montbéliard, vidée du poison qui la rongeait depuis des années, elle réclama de la dinde, c'était Noël, s'en goinfra sous les yeux horrifiés du mari et des parents .... et guérit en quelques jours. Meynard, intello protestant positif et communisant citait souvent ce cas contre les pèlerinages et leurs soi disant miracles, concluant ''si elle était allée à Lourdes on aurait dit que c'était Sainte Bernadette qui l'avait sauvée et non une Juva 4 cahotant sur 800 km dont une grande partie en montagne."

* Voir ''Prime éducation et morale de classe'' de Luc Boltanski.


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